
Je m'y couche quand les hiboux crient
Je m'envole sur le dos d'une chauve-souris
Après l'été, gaiement
Gaiement, gaiement, je veux vivre désormais
Sous la fleur qui pend à la branche....
Sous la fleur qui pend à la branche....
Chante Ariel le Sylphe, dans La tempête de Shakespeare, comme il chante aussi accompagné de harpes éoliennes chez Goethe et voltige et butine paresseusement la plupart du temps chez les poètes. Certes, il chante merveilleusement et vole et inhale le parfum des fleurs, mais le Sylphe n'est pas une simple "figuration" gracieuse et simplette pour féerie, pantomine du temps de Noël !
"Au début de l'ère carolingienne, les Sylphes se montrèrent aux hommes, à l'instigation du cabaliste Zédéchias, sur des vaisseaux aériens d'une structure admirable, dont la flotte voguait au gré des zéphirs - le peuple crut d'abord que c'étaient des Tempestaires - qui s'étaient emparés de l'air pour y exciter des orages, et pour faire grêler les moissons. Et comme le spectacle se renouvela plusieurs fois, tant sous Pépin le Bref que sous Charlemagne, et sous Louis le Débonnaire, les savants, les théologiens et les jurisconsultes furent bientôt de l'avis du peuple. Les empereurs le crurent aussi, et cette chimère alla si avant que le sage Charlemagne, et, après lui, Louis le Débonnaire imposèrent de graves peines à tous ces prétendus tyrans de l'air".
Les religieux et démonanes l'ont donc d'emblée propulsé à la tête de la ménagerie démoniaque : "Ange déchu par la luxure ! Démon de l'air au même titre que l'Ondin est celui de l'eau, le Gnome celui de la terre, et la Salamandre celui du feu !"
On sait aujourd'hui que si les Elfes sont "des" Esprits de l'air, le Sylphe, lui, est l'esprit de l'air : première apparition de la vie spirituelle dans l'éther alors que dans l'eau se débattait une esquisse de germe matériel. Le Sylphe est un sentiment de vie, une Intelligence, qui s'est ensuite harmonieusement matérialisé au contact des courants positifs de l'espace. Il s'est nouri des "flocons psychiques" émanant des météores et des phénomènes cosmiques. On dit aussi qu'il est une source de rêve philosophal condensé des concrétisations alchimiques des Elémentaux. Et que le vent, la pluie, la neige, la grêle, les arcs-en-ciel sont les extériorisations de ses sentiments.
Après l'explosion créatrice - le Big-Bang - les sons se sont répercutés à travers les vibrations célestes que les Sylphes ont entendues les premiers dans leurs plus pures et absolues émissions. C'est cette déflagration primordiale qui a donné le "la" aux Sylphes tout en déclenchant leur première pulsion vitale.
La morphologie buccale du Sylphe est agencée pour exprimer l'harmonie du chant fondamental émotionnel. Celui qui un jour le perçoit, entend "une voix" - la Voix de gorge, à la fois grave et nasale, à la lisière du discordant (aux oreilles novices) qui engendre des fréquences plus aiguës venues du ciel pour exprimer la Parole perdue". Ce chant supra-harmonique émet une véritable Symphonie élementale qui apporte connaissance et bonheur suprême à son auditeur. Ceux qui, touchés, enfants, par ces sons bruts, parfaits, incontrôlés, ont voulu les reproduire par des recherches musicales en ont été souvent les prisonniers, incapables de s'adapter à l'exiguïté de l'existence terrestre. On prétend que l'inconnu masqué qui se présenta pour commander un Requiem au Mozart des derniers jours était un Sylphe venu en messager lui ouvrir la voie vers l'ineffable harmonie.
Des mages, sorciers de toutes philosophies et religions se sont essayés au fil des temps à capter l'énergie en les condensant dans des mots, des sons, des voyelles prononcées selon des rythmes répétitifs, cadencés et incantatoires : les formules et invocations magiques capables de commander aux forces élementaires par la puissance du Verbe.
Les prières, les poèmes, les comptines enfantines, la mélodie de certains instruments de musique seraient les lointains échos de l'héritage sylphe.